Et après l’appel à idées 2008 « Habiter les cœurs d’îlot »

Décryptages

La densité : nouvel idéal urbain ?

Augmenter la densité en ville relève de la politique de gestion raisonnée de l’espace urbain : de nouvelles constructions sont nécessaires.

Comment produire une ville vivable, en minimisant par exemple les déplacements, source de pollution, et en exploitant la principale qualité d’usage de la ville traditionnelle : sa mixité sociale et fonctionnelle ?

Les expressions se multiplient pour tenter de concilier des intérêts souvent contradictoires. On parle de « densification douce », « d’intimité collective »…

Comment mesurer la densité ? L’approche purement mathématique peut s’estomper devant une approche plus sensible quand on considère la densité vécue ou perçue qui diffère totalement d’un individu à l’autre singulièrement selon sa propre expérience.

Composer avec l’existant ?

La « ville constituée » (le bâti, le foncier, les gens qui y vivent ou y travaillent) est la toile de fond que l’on choisit délibérément de respecter… ou pas.

La densité entre individuel et collectif

La recherche de densité se traduit par une double volonté : rationaliser le foncier et recomposer les espaces publics et privés. Maintenir absolument les espaces privatifs liés à l’habitat individuel impose alors d’optimiser cette forme d’habitat traditionnel comme les échoppes bordelaises. A contrario, développer des formes d’habitat collectif rend nécessaire la création de leurs propres espaces libres et équipements.

Forme urbaine : quelles transformations ?

L’introduction de nouveaux usages et plus particulièrement la création d’espaces publics, modifient la structure existante composée par l’alignement des constructions en pierre, déclinées selon différents types architecturaux et le réseau des rues.

Ces espaces publics nouveaux peuvent être le but recherché pour l’îlot ou être seulement la conséquence du programme. La difficulté de toute intervention à cette échelle réside dans la cohérence du projet avec le tissu existant.

Nouvelles parcelles, nouvelles voies ?

Par souci de rentabilisation, les emprises les plus grandes peuvent être divisées et à nouveau réparties entre espaces public et privé. Le cœur d’îlot peut-être divisé en deux ou trois îlots plus petits par la création de voies prolongeant ou non les voies existantes autour desquelles s’implantent de nouvelles constructions de différentes typologies.

Quelle ouverture du cœur d’îlot?

L’ouverture de l’îlot sur le quartier, par la création d’espaces publics, s’opère soit par la préservation de l’enveloppe, de la structure bâtie, et ainsi par la préservation du caractère confidentiel de son cœur, soit par le dessin d’espaces publics qui attirent l’usager du quartier vers l’intérieur de l’îlot. L’implantation en cœur d’îlot d’équipements à connecter avec le quartier, engendre des cheminements hiérarchisés qui modifient sensiblement la structure de l’îlot.

Mixité et usages : quel mariage possible ?

Nos modes de vie, notre manière d’habiter, nos parcours résidentiels, nos modèles familiaux évoluent. La maison de ville bordelaise traditionnelle est-elle encore adaptée aux différents ménages citadins ? Comment répondre à ces nouveaux besoins à travers un projet de restructuration de cœur d’îlot ?

« Vivre ensemble », avec la volonté de mélanger divers types de population dans l’intention de créer une vie sociale harmonieuse, oriente les objectifs partagés de la mixité sociale.

La recherche d’un certain confort urbain conduit à favoriser la mixité fonctionnelle, principe fondamental de la ville durable, pour lutter contre les inconvénients des espaces monofonctionnels.

Sommes-nous prêts à vivre ensemble?

Comment initier  et garantir une certaine mixité socio-spatiale ? La programmation de logements dont la typologie est diversifiée permet d’anticiper les besoins des ménages : les familles nombreuses, les familles monoparentales, les familles recomposées, les célibataires…

La programmation de logements pouvant accueillir les ménages à toutes les étapes de leur parcours résidentiel favorise la mixité générationnelle.

A l’opposé, la création de logements évolutifs accompagne la demande sans toutefois la devancer ni la générer.

« Vivre ensemble », pour partager quoi ?

De nouvelles formes de partage et d’appropriation des cœurs d’îlot par les habitants permettent d’envisager de créer une« place de village » organisée autour d’un équipement public (culturel, social, sportif…).

Cette volonté d’organiser la vie de l’îlot autour d’un lieu de partage et d’échange peut être exploitée pour créer des espaces de services ou d’activités mutualisés pour une mixité d’usage encore plus marquée.

Ces nouveaux espaces ne dépendent que de l’adhésion collective des habitants de l’îlot qui vont les faire vivre et les façonner à leur image. Mais, pour consolider ces projets de mixité fonctionnelle, il convient aussi de fédérer en cœur d’îlot les besoins du quartier résidentiel.

Nature(s) Quelle place en ville ?

Jamais l’environnement du citadin n’a été aussi artificiel qu’aujourd’hui. Aussi, tout ce qui ramène à la nature fait-il l’objet d’une attention accrue. La domestication des éléments naturels fait partie des réflexions menées pour proposer de nouvelles façons d’aménager les cœurs d’îlot et, plus généralement, d’offrir à l’habitant des villes un environnement où il peut encore fréquenter et se représenter la nature.

Réinvestir les éléments naturels

Les nouveaux modes de consommation d’énergie, l’engouement pour les matériaux de construction écologiques, l’économie raisonnée des éléments naturels, en somme, les préceptes du développement durable peuvent -ils engendrer des formes urbaines et architecturales nouvelles ?

Des solutions inspirées du bon sens et les rapports de l’homme à son environnement offrent des pistes de réflexion.

L’orientation des constructions est fondamentale, la position des baies est fonction de l’exposition au soleil qui permet une gestion raisonnée de l’éclairement et de la température.

L’implantation est déterminante, la création de caves, de sous-sols, de parkings semi enterrés isole les logements, plus faciles à chauffer.

Les couvertures sont propres à toutes sortes d’installations utiles : réceptacles des eaux de pluie, des vents et de la chaleur, elles accueillent jardins de pleine terre, isolants, panneaux photovoltaïques bien orientés, terrasses privatives… Le front bâti des constructions s’oppose à l’occupation arrière des parcelles, réservées à une écologie plus intime : celle du sol, de l’eau qu’il absorbe et retient, de la faune et de la flore qu’il nourrit.

Quels jardins pour les citadins ?

Il est possible d’imaginer des relations inédites entre le front bâti minéral du pourtour des îlots et leur intérieur végétal.

La tentation est grande d’installer de vastes parcs et jardins offerts au public. Si cette tentative relève d’un doux rêve, les images qu’elle offre posent plusieurs questions.

Sommes-nous prêts à céder une partie de notre jardin pour ces aménagements ? Et en échange de quelles nouvelles – et meilleures – pratiques ? Démultiplier les échelles du jardin – du public au privé – pose de difficiles questions d’usage.

Les promenades et cheminements en fond de parcelle sont-ils compatibles avec l’intimité des jardins privés ?
Il n’est pas exclu de réintroduire des espaces de transition et de passages réservés aux habitants, de l’îlot, du quartier… Ces cheminements proposent de nouvelles appropriations de l’espace public.

Les citadins veulent-ils encore cultiver un potager ?
Rares sont les potagers ou les vergers qui fournissent encore aux citadins leur alimentation. Le désir de contact avec les éléments naturels est pourtant réel, pourquoi ne pas envisager des potagers – collectifs ou pas –, où retrouver le plaisir d’échanger fleurs, fruits et légumes…

Un jardin-terrasse remplace-t-il un jardin de pleine terre ?
Un jardin suspendu propose un rapport au sol différent d’un jardin de plain-pied. Ces nouveaux espaces présentent un intérêt s’ils ne se substituent pas à ceux qui existent déjà.

Public / Privé Quel partage du sol ?

 

Les limites, aussi fragiles et aléatoires qu’un trait sur un plan cadastral, donnent tout son sens à la propriété foncière. Elles matérialisent et individualisent la propriété du sol, elles divisent et règlent la répartition de la ressource foncière, richesse commune et ressource primaire pour la fabrication de la ville.

L’augmentation de la consommation du sol, notamment en périphérie d’agglomération, représente un coût de plus en plus élevé et la ressource foncière se raréfie. Les limites semblent ne pas vouloir se « limiter » à une représentation unique et figée. La limite porte en elle la marque de la proximité, derrière ma limite de propriété se trouve la rue, mes voisins…

Les mutations du caractère privé des cœurs d’îlot

Dans la ville traditionnelle, bâtie sur une strate horizontale, le sol est partagé et les propriétés délimitées entre rue, maison, jardin, et voisin. Optimiser la ressource foncière par une organisation en strate verticale est aussi possible pour l’habitat individuel.

C’est l’unité d’habitation qui assure la transition, la protection, la limite, entre la rue, le voisinage, et le jardin privatif.

Les limites traditionnelles de la propriété peuvent être mises en question par la conception du logement, ses attributs indispensables au plan des usages et les logiques d’assemblage et de voisinage.

Interroger ces notions équivaut à interroger les contours du chez soi, dans lesquels l’accès au logement et à l’espace public sont déterminants. Est-on en mesure de s’en passer au bénéfice de nouveaux espaces extérieurs aux statuts moins clairement définis ?

Un nouveau découpage foncier ?

Le découpage foncier façonne le paysage de la ville mais le parcellaire limite ou fige parfois les possibilités d’évolution des tissus. Peut-on re-découper les cœurs d’îlot ?

En réduisant la surface individuelle strictement privative et en augmentant les surfaces d’usage semi collectif, le coût de la ressource foncière peut être atténué et réparti entre usagers.

Le lissage des fonds de parcelles permet d’implanter de petits équipements collectifs de proximité (aire de jeux, potager, etc.) à partager entre voisins. Ces équipements sont directement accessibles depuis chaque unité d’habitation.

Différents modes de copropriété se déclinent, s’insérant par exemple de façon autonome  dans le cœur d’îlot, sans impact sur la structure et le mode de vie des propriétés existantes. Les nouveaux copropriétaires bénéficient ainsi d’une unité d’habitation individuelle et partagent entre eux un jardin collectif.

Toutefois ces projets ne répondent pas tous aux exigences de préservation des tissus urbains développés dans le Projet d’Aménagement et de Développement Durable qui oriente et guide la conception du règlement d’urbanisme pour l’ensemble du territoire de la Communauté Urbaine de Bordeaux.

La spécificité et l’importance pour l’identité de l’agglomération bordelaise de ce paysage urbain constitué de ces ensembles d’architectures de pierre impliquent un travail d’analyse urbaine et morphologique du cadre bâti et paysager. C’est l’objectif de la Mission de Recensement du paysage architectural et urbain d’identifier et de localiser les éléments de paysage qui méritent d’être préservés et auxquels une réglementation générale n’étant pas adapté, un règlement particulier est progressivement mis en œuvre.

© Gwenhael BONTE, Alia BEN AMMAR, Olivier GAUDRON, Magalie LAMOUREUX, Ghita SKALLI

© Antoine VALLET, Nicolas TOURY

© Undeplus, Matthieu HACKENHEIMER, Arthur LEITNER

© Denitsa HRISTOVA, Diana IANAKIEVA

© Studio Arredi

© Loïc JUGUET, Sophie HAUTIERE

© Cécile OLEK

© Achille BOURDON, Emmanuelle RAOUL-DUVAL, Lise LE ROY, Thomas GRATTERY

© Atelier D

© Chloé DECAZES, Valentin BERNARD

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