Conférence, Paysans de la Métropole

La conférence « Paysans de la Métropole » est organisée par la Direction de la Nature de Bordeaux Métropole et est co-animée par Jacques Blot, docteur en écologie, paysan et spécialiste des paysages ruraux, et Patrice Clarac, anthropologue spécialisé dans la collecte et l’analyse des mémoires.

Serres Blanquefort ©Renaud MORIN pour Bordeaux Métropole

Serres Saguar ©Renaud MORIN pour Bordeaux Métropole

Serres Eysines ©Renaud MORIN pour Bordeaux Métropole

Trois exploitants métropolitains témoignent de leurs rapports à l’espace et aux paysages du quotidien qu’ils façonnent dans l’espace urbain. Les participants pressentis (réponse de principe favorable à ce jour) seront:

  • Pierre Gratadour, maraicher, qui à 45 ans poursuit l’histoire maraichère familiale dans la vallée de la Jalle au Haillan mais en mettant en œuvre des pratiques culturales bio et innovantes.
  • Dominique Gayerie, dernier arboriculteur de la métropole, à Saint Vincent de Paul, ayant adopté ce métier et l’exploitation familiale sur le tard, après une expérience professionnelle dans le commerce et la finance aux Etats Unis.
  • Dominique Calmon, psychomotricienne de formation et DRH sur l’agglomération, devenue éleveuse de poulets bio élevés en plein air à Mérignac, afin de vivre sur le terrain de ses « rêves partagés » avec son mari.

L’objectif de la conférence est de faire témoigner ces « paysans » de la ville sur leur ancrage au tissu urbain, sur leurs pratiques de la ville et enfin sur leurs perceptions de la ville et de leurs paysages du quotidien.

Paysages et paysans

Au sens premier du terme, comme l’avait fait remarquer Jean-Robert Pitte1, le paysan est tout à la fois l’habitant du pays, au sens de la contrée identifiée et identitaire, et le façonneur de l’image que ce pays donne à voir, dans ses paysages. Ces derniers ne sont pas un décor plus ou moins esthétique mais bien des productions sociales conscientes et inconscientes formulées en un lieu, par des groupes sociaux, à une époque précise. À ce titre la scénographie paysagère est le produit d’un dialogue entre des hommes originaux et des données d’une nature spécifique à des lieux à un moment de l’histoire. Les trois unités chères à la création théâtrale se retrouvent ici.

Producteurs de paysage les paysans le sont assurément mais souvent comme Monsieur Jourdain fait de la prose… Si la production sociale du paysage consiste à inscrire dans l’espace des dispositifs spatiaux signifiants2, ils sont parmi les premiers artisans du dialogue société – nature. Certes leur approche est rarement esthétisante et bien souvent productive et utilitaire. Mais il n’en demeure pas moins qu’ils sont pleinement responsables des paysages dits de nature dans notre imaginaire d’habitants de la cité3. Et l’histoire montre qu’il n’est pas de cité sans campagne, mot valise désignant tout autant les espaces de mise en valeur agricole que les espaces de friches, de bois ou d’eau. L’urbs n’existe pas sans l’ager.

Des paysans urbains

Dans la représentation moderne le paradoxe est extrême : l’urbain tient à se différencier du paysan mais aspire à une nature bien souvent rêvée et élaborée par ces mêmes paysans. Au point de parfois oublier que les paysans peuvent vivre en ville, dans la même ville que lui.

Et le paradoxe se renforce quand on considère le lien unissant les hommes aux lieux. Certes l’urbain sera attaché à son quartier, à sa rue, à sa maison parfois familiale mais que dire du paysan de la ville, organiquement lié à sa terre, qui est tout à la fois son outil de production mais encore bien souvent son ancrage identitaire et culturel, parfois son héritage familial sur plusieurs générations ? Et voici donc des paysans de la ville viscéralement liés à celle-ci, parfois dans le temps long du continuum des générations, au milieu de paysages agricoles et naturels urbains qu’ils ont patiemment et minutieusement façonnés.

Un espace métropolitain riche de ses paysages agricoles

La métropole bordelaise s’enorgueillit de ses paysages de nature s’étirant sur plus de la moitié de sa superficie, contribuant largement à son cadre de vie sinon même à son art de vivre. Cette image de ville – nature est revendiquée (PLU 3.1) et vantée dans la communication de tous les acteurs du territoire.

Ilots de résistance végétale au sein du tissu urbain ou coulée verte des bords de jalles ou du fleuve, marais de la presqu’île, les paysages agraires urbains sont un témoignage d’une inscription spatiale originale dans l’espace urbain, traduction d’un rapport spécifique aux lieux développé patiemment et souvent minutieusement par des hommes et des femmes souvent oubliés dans nos représentations de la ville.

Représentations et réalités

Mais que sait-on de ces acteurs majeurs que sont les paysans, si peu visibles dans le monde urbain bordelais ? Que certains alimentent les circuits courts et les AMAP ? Certes mais ils ne sont pas que producteurs de nourriture.

Que sait-on des hommes et des femmes, des familles qui s’échinent à planter, cultiver, jardiner les espaces agricoles urbains bordelais ? Ces paysans, ancrés dans les campagnes intra urbaines, sont des urbains originaux, oscillant entre des modes de vie urbains et une défiance vis-à-vis de cet organisme urbain qui grignote depuis longtemps leur nature ancestrale et pose sur celle-ci des contraintes règlementaires croissantes (documents d’urbanisme, périmètres de protection divers, etc.).

Le rapport aux lieux, le lien à l’espace se brouille selon les histoires familiales, les générations, les types d’exploitations et de productions, les modalités d’insertion économiques des produits et des hommes. Mais demeure une inscription spatiale nette reposant sur des paysages agraires affirmés, constitutifs de l’identité et des aménités de notre métropole.

Les témoignages

Trois témoignages d’exploitants agricoles illustrent cette parole paysanne sur le lien à la terre, selon les générations et les expériences familiales, leur rapport particulier au temps, leurs usages de la ville, leur insertion économique et au final leur regard sur la ville et la métropole dans laquelle ils vivent. Ces trois témoignages reflètent la diversité des situations et des propos selon les types de productions (un maraicher, un arboriculteur, un éleveur), selon le genre (une femme, deux hommes), selon les parcours et les bifurcations professionnels, selon la force des héritages matériels et culturels.

Tous ont en commun une approche à la fois pratique, matérielle et sensible des lieux et de leur dialogue avec la Nature, développant des pratiques originales soucieuses de cette Nature qui les fait vivre mais surtout avec laquelle ils vivent au quotidien.

Les deux animateurs, l’un anthropologue missionné par Bordeaux Métropole pour collecter la parole et la mémoire de nombreux exploitants agricoles métropolitains, l’autre écologue mais aussi paysan, permettent de mettre en perspective ces témoignages avec l’évolution des paysages.

Jean Robert PITTE – 2012 – Histoire du paysage français, de la préhistoire à nos jours. Paris, 5 ème éd, Taillandier.

2 Augustin BERQUE – 2008 – La Pensée paysagère, Paris, Archibooks

3 Pierre DONADIEU – 2004 – Entre urbanité et ruralité, la médiation paysagiste. Bordeaux, Bull. CPAU Aquitaine

Conférence le vendredi 22 septembre 2017 de 18h00 à 19h00

Au Hangar 14 — espace Cour
14 Quai des Chartrons — 33 000 Bordeaux

Jalles Blanquefort V ©Renaud MORIN pour Bordeaux Métropole

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